La pandémie et les mesures de confinement prises par les gouvernement québécois et canadien pour en aplanir la courbe sont considérées par plusieurs comme un point tournant vers une adoption massive du numérique dans nos pratiques professionnelles, nos loisirs et notre vie sociale. En effet, nous sommes plusieurs à nous tourner vers les courriels, visioconférences, diffusion en direct, magasinage en ligne et autres “modes de vie” numériques pour continuer nos activités tout en respectant la distanciation sociale. Deux angles d’utilisation des technologies numériques sont intéressants pour les membres de notre regroupement professionnel : le déplacement d’activités culturelles en ligne et le télétravail.
Initiatives dans le milieu de la culture
Depuis l’interdiction de se rassembler, d’abord dans les grandes salles de spectacle, puis jusque dans nos bureaux et nos foyers, le milieu culturel s’organise pour repenser ses activités. À chaque jour, de nouvelles initiatives sont pensées et mises en place par des membres astucieux de nos communautés. Certains événements sont entièrement déplacés en ligne ou maintenus à l’aide d’outils de visioconférence, des projets de résidences sont adaptées au contexte numérique et plusieurs groupes de soutien et de réflexion se sont formés au cours des dernières semaines. Le Hub numérique de l’Estrie proposera également à toutes les semaines une clinique de support technique les mardi entre 10h et midi et un salon de discussion les mercredi de 10h à midi. Enfin, les réseaux sociaux restent toujours des lieux d’échange et d’information où peuvent se retrouver les multiples publics et communautés professionnelles, artistiques et sociales qui souhaitent rester connectées.
Télétravail
Dans le même ordre d’idée, pour plusieurs organismes culturels, tels que le RAIQ, le télétravail est une possibilité et une option assez pratique pour ne pas cesser toute activité. Certain.e.s membres travailleurs autonomes ont d’ailleurs déjà l’habitude de travailler à partir de lieux autres que le traditionnel “bureau”.
De nombreux billets de blogs ont été écrits au sujet du télétravail en contexte de confinement et offrent d’excellents conseils. Retenons notamment le “Guide pratique au télétravail” préparé par Ana-Laura Baz, directrice de l’engagement numérique au Musée de la civilisation et la liste d’outils et ressources utiles compilée par Joana Neto Costa, agente de développement culturel numérique au Conseil québécois du théâtre. Les services infonuagiques de stockage de documents et de travail collaboratif trouvent également une pertinence réaffirmée dans ce contexte. Si ce dernier thème vous intéresse, je vous invite à lire ma dernière chronique, qui porte sur ce sujet.
Méta-travail
J’aimerais toutefois insister ici sur la notion de méta-travail développée par Claudine Bonneau et Lucie Enel dans l’article « Caractériser le méta-travail des nomades numériques : un préalable à l’identification des compétences requises » paru dans la revue Lien social et Politiques (2018). Les chercheuses identifient quatre formes de méta-travail qui devraient être prises en considération dans le contexte spécifique du télétravail. Cette mise en lumière d’activités parfois “invisibles” m’apparaît importante car elle nous permet de mieux comprendre ce que le télétravail implique – autant les avantages que les désavantages – et de s’outiller adéquatement.
Les quatre formes de méta-travail identifiées par Bonneau et Enel sont réparties dans deux finalités. La première consiste à préparer son site et son mode de travail. Nous atteignons cet objectif par le travail de mobilisation des ressources et par le travail de configuration. La mobilisation des ressources implique de repérer un lieu de travail approprié, soit un espace et du mobilier répondant autant que faire se peut à nos besoins d’ergonomie, de calme, d’intimité et de sécurité, puis de regrouper le matériel nécessaire à l’exercice de nos fonctions (ordinateur, casque d’écoute, connexion internet, application de visioconférence, disque partagé sur le nuage, bureau à distance (remote desktop), etc.). La mobilisation de ressources peut aussi signifier d’aller chercher une aide ou un soutien auprès de membres de l’équipe, de réseaux professionnels et sociaux ou de communautés de pratique. La seconde opération à effectuer pour rendre le site et le mode de travail effectifs est le travail de configuration, soit l’assemblage de toutes les ressources mobilisées précédemment pour en assurer la compatibilité et le bon fonctionnement. Ce méta-travail nous demande un certain niveau de littératie numérique afin de configurer matériel et applications, de les utiliser et de résoudre les problèmes techniques qui pourraient survenir. Ces deux premières formes de méta-travail prennent place principalement avant de se lancer dans le travail comme tel. Les deux prochaines s’inscrivent quant à elles dans le quotidien de la télétravailleuse et du télétravailleur.
La seconde finalité délimitée par Bonneau et Enel vise à assurer la coordination avec les autres et la continuité du travail à travers différents lieux, moments et projets. Elle mobilise deux autres formes de méta-travail, qui sont le travail d’articulation et le travail de transition. Ce sont des activités d’une grande importance qui convoquent à la fois des compétences en communication et en gestion du temps et des priorités. Le travail d’articulation comprend les tâches de connexion et de communication avec son employeur, ses collègues et/ou ses client.e.s. Il s’agit alors de marquer sa présence, sa disponibilité et d’ajuster ses actions à celles des autres. Ce méta-travail prend une importance accrue en contexte de télétravail car, contrairement à un mode de collaboration en coprésence, nos actions et celles de nos collègues sont invisibles. La collaboration à distance demande ainsi la mise en place de stratégies pour communiquer explicitement ses actions. Ces stratégies peuvent entre autres prendre la forme de réunions régulières et de l’utilisation d’applications de gestion de projet et/ou de messagerie instantanée. Les chercheuses soulignent également avec raison la nécessité aussi grande de marquer son indisponibilité afin de délimiter clairement les périodes de travail de sa vie personnelle. L’entretien des liens sociaux qui sont normalement cultivés en contexte professionnel peut nuancer le sentiment d’isolement que certain.e.s peuvent vivre dans le contexte actuel. À ce méta-travail d’articulation s’ajoute finalement celui de transition. Le travail de transition, fondamental dans nos modes de travail fragmentés, vise la gestion de nos différents mandats et projets et des temporalités et lieux pluriels avec lesquels nous devons composer. Il comprend donc les activités de priorisation, de synchronisation et de gestion du temps.
En mettant de l’avant toutes les tâches connexes à l’organisation de nos activités professionnelles principales, il devient plus facile de les intégrer formellement à notre horaire et d’identifier nos besoins – compétences, outils, aide. Ce faisant, l’idée est de prendre les moyens pour minimiser certains désavantages connus du télétravail, tels que l’isolement, l’anxiété et le brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie privée.
Soutien aux membres du RAIQ
Je tiens à conclure cette chronique en lançant une invitation à me contacter aux membres du RAIQ qui souhaiteraient avoir un soutien ponctuel pour toute question liée au numérique. Sans détenir toutes les réponses, je peux vous orienter, vous référer à des ressources pertinentes ou tout simplement réfléchir avec vous aux différentes manières de penser votre pratique ou les activités de votre organisation dans le contexte actuel.
À bientôt, virtuellement,
Isabelle L’Heureux