Les journées d’étude internationales sur la découvrabilité

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Les journées d’étude Accès et découvrabilité des contenus culturels francophones à l’ère numérique ont eu lieu à la Grande bibliothèque à Montréal les 23 et 24 octobre derniers. Elles ont réuni un grand nombre d’intervenant.e.s de la francophonie internationale autour des enjeux de visibilité et de diversité des expressions culturelles en contexte numérique. La majorité des interventions ont porté sur les bouleversements des industries culturelles de la musique et de l’audiovisuel avec l’arrivée d’acteurs transnationaux comme Netflix et Spotify.

Si ces industries doivent repenser leurs modèles d’affaire, la situation est légèrement différente pour le secteur de la recherche création en arts actuels. Je formule ici l’hypothèse que les modes de création et de diffusion dans nos milieux, plutôt que d’être entièrement bouleversés, ont été diversifiés ou augmentés avec le développement des outils numériques et du web. 

Visibilité des pratiques en arts interdisciplinaires

Comme nos pratiques occupent un espace économique autre, moins directement lié à la vente de produits, les enjeux de la découvrabilité ne sont pas nécessairement commerciaux, mais relèvent davantage de la visibilité et du rayonnement. J’observe ainsi plus d’opportunités que de menaces dans la “transformation numérique” de notre secteur (je dis cela en évitant volontairement l’importante question de la curiosité et de l’engagement des publics avec les arts actuels). La transformation numérique est transversale et peut impliquer toute les étapes de la chaîne de production d’une oeuvre, de la création à la préservation, en passant par la diffusion. La question de la découvrabilité telle qu’elle a été définie par les intervenant.e.s des journées d’étude concerne, quant à elle, surtout les activités liées à la diffusion d’une oeuvre et à la visibilité d’un artiste en ligne. Ainsi, pour un public intéressé et curieux, le web et les différents leviers de découvrabilité représentent autant de manières d’entrer en contact avec des artistes, des oeuvres et des événements qui pourront retenir son attention.

Les leviers de la découvrabilité

Plusieurs leviers de la découvrabilité ont donc été discutés lors de ces deux journées d’étude. Josée Plamondon et La Cogency ont développé un modèle éclairant pour illustrer ces stratégies. Celles-ci y sont regroupées en fonction de leur destinataire immédiat – humain ou machine – et de leur implémentation à court ou à long terme. Les leviers qui s’adressent aux humains comprennent différentes stratégies de promotion et de marketing numérique : couverture dans les médias, partenariat avec des influenceurs, publicité, achat de mots-clés avec les moteurs de recherche, campagnes sur les réseaux sociaux, etc. Les leviers qui impliquent une conversation avec les machines comprennent quant à eux les pratiques de “search engine optimisation” ou SEO, des actions liées à la description des contenus web par l’utilisation de balises de données structurées Schema et l’intégration de nos contenus dans un écosystème de données liées, l’univers Wikimedia par exemple.

Le paradigme de la recommandation

Une grande partie des interventions lors des panels de l’événement ont porté sur la notion de recommandation. Ce modèle gagne en importance sur les plateformes populaires que sont Google, Amazon, Netflix et Spotify. La recommandation repose sur la collecte de données auprès des usagers de ces services et sur le développement d’algorithmes qui traitent ces données pour mettre de l’avant des contenus qui devraient correspondre aux attentes de l’utilisateur profilé. L’opacité des algorithmes de recommandation et leur développement suivant les intérêt commerciaux des géants du web et de leurs partenaires ont été nommés comme des points de tension auprès des défenseurs de la diversité des expressions culturelles, au Québec, en Afrique, en France et en Belgique notamment. 

De manière toute pragmatique, l’impact principal des technologies de recommandation pour notre communauté artistique se trouve au niveau des résultats sélectionnés par le moteur de recherche de Google à la suite d’une requête. Il s’agit alors d’assurer la qualité et la pertinence des informations que nous publions sur le web à la fois pour les humains qui consultent nos pages et pour les machines de Google, afin d’apparaître dans les recommandations du système. Pour un artiste, cela peut correspondre à décrire sa pratique, présenter son curriculum vitae et une sélection d’oeuvres représentatives ; pour un organisme cela peut correspondre à fournir des coordonnées exactes, bien structurer les informations sur ses événements, etc.

Perspectives pour notre écosystème

Ainsi, dans le milieu de la recherche-création en arts actuels, le web représente une vitrine et un lieu d’échange et de mémoire qui vient s’ajouter à un écosystème déjà bien établi – centres d’artistes, écoles, résidences, festivals, communautés d’intérêt, musées, revues et journaux. Dans sa plus simple expression, être découvrable en ligne peut signifier d’avoir un site web bien construit et de participer à une ou plusieurs communautés d’intérêt sur les réseaux sociaux. 

Pour celles et ceux qui souhaiteraient toutefois approfondir leurs réflexions autour du concept de découvrabilité, ce ne sont pas les enjeux qui manquent, ainsi que l’ont démontré ces deux journées d’étude : littératie numérique, droits d’auteurs et droits à la vie privée, rémunération des artistes, coopération, partage de données et protection de la diversité face à l’impérialisme culturel sont autant d’angles d’approche pertinents. Il s’agit donc d’un grand terrain de jeu dans lequel les gouvernements, entreprises, artistes et travailleur.euse.s culturel.le.s ont tout intérêt à se rencontrer.

À bientôt!

Isabelle L’Heureux